
A travers ce livre, Moez Naija imagine, invente tout en se déployant dans des soucis concrets. Le style d’écriture est simple, fluide, profondément humain et fortement évocateur.
La Presse — Ingénieur de formation et écrivain, Moez Naija vient de publier un nouveau recueil de nouvelles en langue arabe « De beaux détails » (Tafassil jamila) paru aux éditions Hekayat. Il compte déjà à son actif d’autres écrits dont un roman « Histoire d’une passion au temps perdu » et un recueil de nouvelles « La voleuse de roses ».
« De beaux détails » comprend douze nouvelles courtes avec, souvent, une chute surprenante. Loin des grandes fresques, ce sont des drames personnels où l’intime se mêle au social. Le livre se veut alors un portrait éclaté de notre époque qui touche par sa sincérité et sa capacité à révéler, en quelques pages, la complexité de la nature humaine. Les récits sont structurés autour de personnages issus de milieux variés, dont un peintre, un fonctionnaire désespéré, une veuve affligée, un médecin..Le personnage de l’écrivain apparaît à deux reprises, avec un profil distinct à chaque fois.
La plupart des histoires sont réalistes et ancrées dans un cadre spatial reconnaissable et tangible, comme Djerba par exemple ou Kerkenah. D’autres sont teintées de fantastique, dont notamment la deuxième nouvelle qui évoque la retraite spirituelle et une autre intitulée « L’homme qui cherche son temps perdu ».
A travers ce livre, Moez Naija imagine, invente tout en se déployant dans des soucis concrets. Le style d’écriture est simple, fluide, profondément humain et fortement évocateur. Avec une alternance de narration à la première et à la troisième personne, ou même un mélange pour la nouvelle polyphonique « Le portrait du bonheur », chaque récit met en scène un nombre restreint de protagonistes pour aborder des thèmes divers.
Afin de raconter des vies marquées par la tragédie, mais aussi par la force humaine, Moez Naija a peint des êtres souvent seuls, confrontés à des choix difficiles, aux blessures du passé, aux déceptions amoureuses, à une quête de renouveau quand tout semble s’assombrir… Il interroge ainsi les liens familiaux, la solitude, le mal-être, la spiritualité…
La tonalité de l’œuvre est donc douce-amère, parfois mélancolique, avec une majorité de dénouements heureux. Les passages écrits à la première personne permettent une plongée introspective dans la psyché des protagonistes pour expliquer des émotions humaines plus profondes. Une réflexion sur des enjeux contemporains engagés traverse également les récits, tels que la valorisation du tourisme à Djerba récemment inscrite au patrimoine de l’Unesco ou encore le militantisme écologique.
En créant des situations inspirées par la vie quotidienne, Moez Naija fait preuve d’originalité par une manière de raconter qui captive par les détails. « Le détail donne à l’œuvre sa vérité », dixit Emile Zola. En plus de l’éclairage qu’ils nous apportent sur des expériences personnelles et des ressentis, des indices et des nuances accentuent le suspense et l’impact émotionnel de chaque réplique, de chaque geste.
Le recueil joue ainsi avec les attentes du lecteur et certaines nouvelles s’achèvent sur un renversement inattendu par un événement mineur ou même une réplique. Ces « plot twists » subtils font de chaque fin un moment à fort retentissement. Dans sa narration, Moez Naija est également en quête continue de beauté, comme il l’a annoncé dans sa préface.
« De beaux détails qui élèvent et embellissent notre perception de la vie », écrit-il. Loin d’être une beauté évidente, elle est à dénicher dans les replis du quotidien, dans les blessures et les fulgurances de l’existence. Dans cette quête, l’écrivain entraîne le lecteur à scruter le sens insoupçonné derrière l’apparente banalité, afin de découvrir ce qui, dans le chaos de chaque histoire racontée, peut susciter son émerveillement.
Avec le recueil de nouvelles « De beaux détails », l’écrivain aspire ainsi à dépasser le simple divertissement de la lecture. Il y voit une forme de réconciliation avec soi-même, comme il l’a souligné, mais aussi un apaisement face aux blessures du passé, celles qui pèsent sur l’âme, tourmentent les souvenirs et entravent la quête de paix intérieure.